Marc-André Leclerc est devenu une personnalité connue dans le monde de l’escalade, avec la sortie du film the Alpinist en 2021, mais cela aurait pu être très différent.
De nature solitaire, peu intéressé par la célébrité et fuyant les caméras, Marc-André préférait grimper dans une relative obscurité à un niveau incroyablement élevé. Il aurait pu continuer ainsi.
Même lorsque les gens ont commencé à le remarquer à partir de 2015, Marc-André s’est consacré à l’escalade pour sa passion. Malgré son talent prodigieux, il n’était pas motivé par la richesse, la gloire ou la couverture médiatique. Son héritage durable pourrait autant avoir à voir avec son attitude que ses exploits. La poursuite de l’aventure était sa priorité.
Marc-André Leclerc – son enfance
Fait pour le grand air
Marc-André Leclerc voit le jour le 10 octobre 1992 à Fraser Valley, Nanaimo, BC, Canada. Il est le fils de Michelle Kuipers et de Serge Leclerc. Diagnostiqué avec un TDAH, il a du mal à s’adapter à l’école au début de sa scolarité. Sa mère prend alors la décision de l’éduquer à la maison pour la majeure partie de son éducation élémentaire.
Cependant, ces leçons formelles ne durent souvent pas très longtemps car sa mère l’emmène régulièrement à la montagne ou en forêt pour observer les roches et les plantes. Ces expériences marquent profondément le jeune garçon et l’inspirent durablement.
Leclerc était un grand lecteur et dès l’âge de quatre ans, il connaissait l’histoire de la conquête de l’Everest par Edmund Hillary et Tenzing Norgay en 1953. « Il a toujours été fasciné par les montagnes », explique Michelle Kuipers.
En raison de ses difficultés sociales, il était éduqué à domicile une partie de sa jeunesse. Malgré cela, il était intellectuellement et physiquement précoce.
L’escalade, une histoire d’amour
Son histoire d’amour avec l’escalade débute lorsque son grand-père lui offre le livre de Chris Bonnington, « Quest for Adventure », qui le marque profondément en lui montrant des images d’individus minuscules escaladant des parois de neige et de glace imposantes, stimulant ainsi son imagination.
À l’âge de neuf ans, il découvre l’escalade sur un mur dans un centre commercial. Plus tard cette même année, il s’inscrit régulièrement au gymnase Project Climbing à Abbotsford, en Colombie-Britannique, pour grimper.
En 2005, la famille de Marc-André Leclerc déménage près des Cascade Mountains, à Agassiz. C’est là que Marc-André commence à pratiquer l’escalade en se rendant en vélo aux Harrison Bluffs où il passe la nuit. Il débute seul, en chaussures de sport et sans entraînement formel. Plus tard, avec un ami, il apprend à manier les pitons et les systèmes de corde en lisant de vieux livres.
À l’âge de 14 ans, il travaillait dans la construction avec son père pour se payer son équipement d’escalade. Un an plus tard, il fixait des anneaux de levage dans les poutres de sa chambre au sous-sol et s’y suspendait avec ses piolets.
À l’âge de 15 ans, sa mère lui offre un exemplaire de « Mountaineering: The Freedom of the Hills », ce qui pousse Marc-André à rejoindre la British Columbia Mountaineering Society. Rapidement, il commence à participer à des compétitions et à dominer dans sa catégorie d’âge. Après avoir terminé ses études secondaires, il déménage à Squamish, en Colombie-Britannique, considérée comme la Mecque canadienne de l’escalade.
Sa rencontre avec Brette Harrington
Une fois à Squamish, il trouve sa place au sein de la communauté marginale de grimpeurs. Pendant plusieurs années, il mène une vie de dirtbag, en grimpant des voies difficiles et en faisant la fête.
Il vit même un temps dans une cage d’escalier, qui devient plus accueillante après sa rencontre avec sa petite amie, Brette Harrington, elle-même une adepte chevronnée de l’escalade libre.
Son amour pour sa petite amie est très fort. Dès les premiers jours de leur relation, Harrington et Leclerc étaient inséparables. Ils ont vécu ensemble dans une cage d’escalier, dans les bois, et ont grimpé sans relâche.
« Marc est intéressé par les expériences intenses, vivre pleinement », déclare Harrington de manière concise dans le film the Alpinist. Elle admet qu’elle était similaire et que leur besoin mutuel de vivre au bord du précipice explique en partie leur profonde affection l’un pour l’autre. « Nous étions sur la même longueur d’onde en termes d’intensité », confie-t-elle.
Le style “Marc-André Leclerc”, un style d’escalade bien particulier, retranscrit dans le film the Alpinist
La comparaison avec Alex Honnold
De la même manière qu’Alex Honnold, Marc-André Leclerc sera probablement connu (en dehors de la communauté des grimpeurs) pour ses escalades libres en solo et ses premières ascensions en solo.
Marc-André Leclerc a réalisé ses ascensions en solo intégral à vue sur des voies qu’il n’avait jamais explorées auparavant. Alex Honnold, quant à lui, a pratiqué à maintes reprises l’itinéraire qu’il a emprunté en solo sur El Capitan pour le film Free Solo, en utilisant une corde. Leclerc, lui, arrivait en bas d’une montagne et partait à l’aventure dans l’inconnu.
Rien n’avait été répété, rien n’avait été équipé ou préparé à l’avance. L’escalade alpine en solo intégral à vue est le summum dans le monde complexe de l’escalade. Il n’y a pas de marge d’erreur, pas de filet – il n’y a que vous. C’est comme être un archer et devoir toucher la cible à chaque flèche ou être exécuté. C’est ça, l’escalade en solo intégral, alpin, à vue.
Le spectateur moyen pourrait voir en Leclerc un drogué de l’adrénaline, une idée fausse courante chez les non-grimpeurs. En réalité, l’adrénaline est l’ennemi d’une bonne escalade. Si vous êtes pris de peur, votre amygdale « reptilienne » – l’une des parties les plus primitives de votre cerveau – prend le contrôle, reléguant votre cortex cérébral au second plan dans le processus de décision, ce qui peut vous conduire à faire des choses stupides. Une grande partie de l’escalade consiste à apprendre à contrôler sa peur.
Les meilleurs grimpeurs éteignent leur peur comme s’ils appuyaient sur un interrupteur.
Un grimpeur complet
En observant Marc-André grimper dans toutes les saisons et dans des conditions terrifiantes, il est évident que son approche et son arsenal de compétences sont différents.
Dans un premier temps, il semble prendre plaisir à ce qu’il fait. Il passe facilement de l’escalade à mains nues aux piolets, même dans les situations les plus difficiles. Ses mouvements semblent sans effort et (presque) sans conséquence. Son escalade est une expression de la joie. Si l’escalade est un art, ce jeune homme était sans aucun doute un grand maître.
Il se concentre sur le moment présent et ne pense qu’à l’aventure, ce qui le rend prêt et capable de passer d’un environnement à l’autre. Que ce soit sur la roche, la glace ou la neige, Leclerc pouvait tout escalader en une seule ascension et par tous les temps.
Sa spécialité était l’alpinisme, et toutes les compétences nécessaires pour trouver une nouvelle voie dans une paroi de roche et de glace effrayante ont fait de lui un alpiniste pratiquement inégalé.
Une perspective différente
En regardant Marc-André escalader ou en l’écoutant parler de la montagne, on peut voir sa pureté et sa joie transparaître. Alors que l’escalade continue de se développer et que de plus en plus de jeunes la voient comme un sport compétitif en salle, Leclerc apporte une perspective différente.
The Alpinist vous laissera bouche bée devant les exploits et l’audace de Leclerc, mais contrairement à d’autres bons films d’aventure, ce n’est pas le cœur de l’histoire. C’est le portrait d’un jeune homme devenant un artiste. Leclerc nous permet d’assister à un éveil – physique, intellectuel et émotionnel – de l’esprit humain. À force de travail acharné et d’intensité, il devient celui qu’il rêvait de devenir, sous nos yeux.
Une sélection du Palmarès, connu, de Marc-André Leclerc
Il est difficile de dresser une liste des ascensions remarquables de Leclerc, étant donné qu’il a évité la célébrité. Nous ne connaissons que les exploits qu’il a choisi de partager, ceux qui ont été témoignés par d’autres ou qui ont été mentionnés dans des magazines d’escalade.
En réalité, il est possible qu’il ait réalisé bien d’autres voies que personne n’a jamais entendues parler. Et c’est peut-être ainsi que ça devrait être.
- Mont Slesse, Cascade Range – Solo intégral (2015)
- Directa de la Mentira – Cerro Torre North Face – Première (2015)
- Ascension en solo du mur de Muir sur El Capitan (2015)
- Reverse Torre Traverse, Patagonie – Première Ascension (2015)
- Le Tire – bouchon – Cerro Torre, Patagonie, Première Ascension Solo (2015)
- Tomahawk/Exocet Link Up – Aguja Standhardt, Patagonie, – Solo intégral à vue (2015)
- Mont Robson, Rocheuses canadiennes – Infinite Patience – Première ascension en solo (2016)
- Mont Tuzo, Rocheuses canadiennes – Face nord -est – Première Ascension du visage (2016)
- Pilier Est – Torre Egger, Patagonie, Première ascension hivernale en solo (2016)
- Ha Ling Peak, Mount Lawrence Grassi − Solo intégral (2017)
- Echo Canyon − Grand étage – Première ascension en solo intégral (2017)
- Rim Wall, Rocheuses canadiennes − Pinko (5.10). Première ascension en solo intégral (2017)
- Face nord de la tour principale, Mendenhall Towers. Première Ascension (2018)
The Alpinist, un film captivant
Les documentaristes
Après la sortie du documentaire Free Solo, l’escalade en solo intégral a suscité un nouvel intérêt. Mortimer et Rosen ont réalisé que l’histoire d’un grimpeur inconnu accomplissant des performances exceptionnelles pour le simple plaisir de le faire serait fascinante.
Les deux cinéastes ont considéré que l’escalade mystérieuse de Marc-André Leclerc méritait d’être portée à l’attention du public.
Les documentaristes Nick Rosen et Peter Mortimer étaient déjà des habitués du monde de l’escalade, ayant travaillé sur plusieurs projets tels que Valley Uprising, First Ascent, The Dawn Wall et la série Reel Rock.
Cependant, bien qu’étant immergés dans la communauté des grimpeurs, aucun des deux ne connaissait personnellement Marc-André Leclerc. Ils ont simplement entendu parler de lui par le biais de récits de tiers, mais ces récits suffisaient pour faire état de son talent remarquable. C’est ainsi que les réalisateurs ont décidé de mettre en lumière l’histoire de Leclerc dans leur documentaire L’Alpiniste.
L’Alpiniste est un documentaire captivant qui met en avant le portrait de Marc-André Leclerc. Bien que ses ascensions soient incroyablement stressantes, la relation de Leclerc avec l’escalade est la véritable vedette du film. Le mot « sport » ne semble même pas approprié pour décrire ce qu’il fait.
La grâce
En observant Leclerc grimper dans The Alpinist, on ne peut pas nier que ses mouvements sont gracieux et fluides, qu’il s’agisse d’escalade sur glace, mixte ou rocheuse. Il n’y a pas de gestes brusques ni d’étirements exagérés, ni même de désespoir.
On peut voir une lenteur presque paresseuse, comme un danseur moderne exécutant une figure complexe. Mon mentor me disait souvent qu’en escalade, pour grimper vite, il fallait grimper lentement. L’expérience acquise crée de la confiance, et la confiance crée un esprit calme. Un corps calme est alors capable de grimper de façon étonnante.
Parfois, un athlète se déplace avec une grâce animale que la plupart des gens ne peuvent pas atteindre en raison de leur propre conscience de soi. C’est cette qualité, ainsi que la personnalité de Leclerc, qui constituent les aspects les plus intéressants de ce documentaire.
On y voit également des séquences d’escalade sur roche et sur glace de Leclerc et de Harrington, ainsi que des commentaires de célèbres grimpeurs tels qu’Honnold, Serfas, Messner et Blanchard, entre autres.
Une fin tragique
Le 5 mars 2018, Marc-André Leclerc et son partenaire Ryan Johnson, âgé de 34 ans, ont réussi à grimper une nouvelle voie sur la face nord des Mendenhall Towers, près de Juneau, en Alaska.
Les deux alpinistes ont été déposés près de la crête de la montagne le 4 mars. Le lendemain, Marc-André Leclerc a publié une photo sur son compte Instagram montrant leur avancée vers le sommet de 2100 mètres.
Leur plan était de retourner au camp de base deux jours plus tard. Cependant, les autorités ont indiqué qu’il n’y avait eu aucune nouvelle des deux hommes depuis le 5 mars. Selon leur itinéraire, les deux grimpeurs auraient dû rentrer à Juneau le mercredi soir suivant, le 7 mars.
Après que la petite amie de Marc-André Leclerc n’ait pas réussi à le contacter à l’heure convenue, elle a alerté les autorités.
La recherche a été interrompue pendant plusieurs jours en raison des mauvaises conditions météorologiques, mais lorsque la tempête s’est finalement calmée, les équipes ont découvert des cordes au bas de la voie de descente des grimpeurs, suggérant qu’ils avaient peut-être été victimes d’une avalanche, d’une chute de pierres ou d’une corniche. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés.
Marc-André Leclerc sera connu comme un alpiniste visionnaire, un aventurier, un maître de la glace et du rocher. Sa vie est également marquée par un certain mystère. Une grande partie de son travail a été réalisée seul, sans public ni caméra. Il n’est pas possible de prédire quel sera son héritage. Leclerc a grimpé dans toutes les disciplines à un niveau élevé, souvent dans des conditions extrêmes, mais il n’a jamais cherché la reconnaissance ou la célébrité. Sa passion pour l’escalade était sa principale motivation.