Imposants et mythiques, les Drus, deux pics d’une montagne dans le prestigieux massif du Mont-Blanc en Haute-Savoie, se dressent fièrement pour atteindre des altitudes vertigineuses.
Cette montagne se divise en deux sommets distincts: le Grand Dru, le plus élevé, culminant à 3 754 m, et le Petit Dru, légèrement plus bas, à 3 730 m. Dominant le Montenvers, le Petit Dru est particulièrement remarquable pour sa vertigineuse paroi granitique, une des plus abruptes des Alpes, d’une hauteur impressionnante de 1 000 m et une pente moyenne dépassant les 75°.
Située au coeur du massif du Mont-Blanc, la montagne des Drus se distingue par sa visibilité depuis la célèbre ville de Chamonix. Ces deux aiguilles incarnent à merveille la notion de verticalité, d’inaccessibilité et d’engagement, des valeurs que tout alpiniste se doit de respecter. La face sud, moins visible depuis la vallée mais néanmoins moins raide, offre un parcours de choix pour les amateurs de sensations fortes avec l’une des plus belles courses D du massif, la traversée du Petit au Grand Dru.
Les Drus, dont les deux pics rivalisent en hauteur avec leurs 3 700 mètres respectifs, se distinguent par leur silhouette acérée, particulièrement celle du Grand Dru, façonnée par de nombreux éboulements au cours de l’histoire. Les premières ascensions des Drus témoignent de leur défi sportif: celle du Grand Dru en 1878 (C. Thomas Dent, J. Walker Hartley, A. Burgener et K. Maurer) et celle du Petit Dru l’année suivante (Jean Charlet-Straton, Prosper Payot et Frédéric Folliguet). Ces exploits illustrent le courage et la persévérance des alpinistes, toujours prêts à repousser les limites pour atteindre les sommets les plus impressionnants.
Les Drus : Retour sur leur Histoire et Légendes
Les Drus : Chronique des Conquêtes Alpines du Mont-Blanc
Dans les pages de l’histoire de l’alpinisme, la montagne des Drus, dans le massif du Mont-Blanc, tient une place d’honneur. Elle a été le théâtre de nombreuses premières ascensions et traversées, comme une invitation constante à repousser les limites de l’exploration alpine.
C’est en 1878 que la première ascension du Grand Dru est réalisée par Clinton Thomas Dent, James Walker Hartley, Alexandre Burgener et K. Maurer. L’année suivante, c’est le Petit Dru qui est vaincu par Jean Charlet-Straton, Prosper Payot et Frédéric Folliguet.
En 1887, une équipe d’alpinistes audacieux composée de François Simond, Émile Rey et Henri Dunod réalise la première traversée du Grand au Petit Dru, en utilisant des cordes longues et en empruntant le versant Nord.
La première ascension de la face nord est accomplie par Pierre Allain et Raymond Leininger en 1935, tandis que la première traversée hivernale des Drus est réalisée par Armand Charlet et Camille Devouassoux en 1938. La même année, Laurent Grivel et M. et Mme A. Frova se distinguent en réalisant la première ascension de la face sud-est du Grand Dru.
Au fil des années, d’autres exploits sont accomplis. En 1952, André Contamine et Michel Bastien se hissent sur le pilier sud du Grand Dru. En 1961, Robert Guillaume et Antoine Vieille réalisent la première ascension hivernale du Pilier Bonatti.
L’année 1964 voit la première hivernale de la face nord du Petit Dru par Georges Payot, Yvon Masino et Gérard Devouassoux. En 1967, Yannick Seigneur, Michel Feuillerade, Jean-Paul Paris et Claude Jager gravissent de manière directe la face nord en hiver.
La première ascension solo de la face nord du Grand Dru est réalisée par Joël Coqueugniot en 1969. Deux ans plus tard, Jean-Claude Droyer réussit l’ascension solo de la voie directe Hemming-Robbins.
En 1974, Walter Cecchinel et Claude Jager réalisent la première ascension et la première hivernale du couloir nord-est des Drus. Et en 1976, Walter Cecchinel et D. Stolzenberg sont les premiers à réaliser l’ascension hivernale de la face nord du col des Drus.
Enfin, mentionnons une aventure singulière : en 1913, un groupe d’alpinistes entreprend d’installer une statue de la Vierge de Lourdes, en aluminium creux, pesant 13 kilos et mesurant presque un mètre de haut, sur le Petit Dru. Malheureusement, le mauvais temps les contraint à la laisser à environ 3 000 mètres d’altitude. Ce n’est qu’après la guerre, en 1919, que la statue est finalement placée et scellée au sommet. Une image qui donne à cette montagne une dimension encore plus mythique et sacrée.
Face Ouest des Drus : Histoire d’une Conquête, du Triomphe à la Résilience
Lorsque Pierre Allain se confronta à la face Nord des Drus, il conjectura que le versant Ouest resterait à jamais imprenable. Pourtant, dès 1952, l’impossible est défié par A. Dagory, Guido Magnone, Lucien Bérardini et M. Lainé, qui parviennent à l’escalader en deux assauts consécutifs, nécessitant l’usage intensif de techniques d’escalade artificielle. Ce moment marque le début d’un nouveau chapitre de l’histoire des Drus.
En 1955, l’alpiniste italien Walter Bonatti réalise un exploit sans précédent, en escaladant seul le pilier Sud-Ouest lors d’une ascension de cinq jours, saluée comme l’un des plus grands exploits de l’histoire de l’alpinisme. Jean-Christophe Lafaille, en 2001, ouvre une nouvelle voie en solitaire, en recourant également à l’escalade artificielle.
En 1962, Gary Hemming et Royal Robbins, deux grimpeurs américains, inaugurent une variante majeure menant directement de la base de la face au bloc coincé, où elle rejoint la voie de 1952. Baptisée la « directe américaine », cette voie devient une grande classique. Trois ans plus tard, Royal Robbins, accompagné cette fois de John Harlin, trace une autre directe, extrêmement difficile et peu répétée, en plein centre de la face.
René Desmaison, célèbre alpiniste français, a également marqué l’histoire de la face Ouest des Drus par ses ascensions notables : la quatrième ascension de la voie originale avec Jean Couzy en 1955, la première ascension hivernale avec le même partenaire en 1957, et enfin la première ascension solitaire en 1963, toujours par la voie classique.
Dans les années 70 et 80, la qualité intrinsèque de l’escalade inaugurée prime sur le tracé de la voie ouverte. Thomas Gross est ainsi connu pour sa persévérance, passant une cinquantaine de jours dans la face Ouest des Drus pour forcer coûte que coûte le passage.
Plusieurs autres « lignes » viennent enrichir cette histoire, dont les « strapontins du paradis » des frères Rémy (1980), la « voie des Genevois » de Nicolas Schenkel et B. Wietlisbach (1981), ou encore la « directissime française » ouverte par des cordées de l’École militaire de haute montagne en 1982. Michel Piola et Pierre-Alain Steiner tracent quant à eux une remarquable ligne dans la partie gauche de la face, baptisée « passage cardiaque », entre 1984 et 1986.
En 1991, Catherine Destivelle fait une entrée remarquée dans l’histoire de l’alpinisme en ouvrant seule une voie de haute difficulté, qui porte désormais son nom. Jean-Christophe Lafaille et Marc Batard ajoutent deux autres voies en solitaire.
Les éboulements successifs effacent la plupart de ces itinéraires, ne laissant intactes que les voies situées le plus à gauche de la paroi. Ces événements permettent à une nouvelle génération de voies de voir le jour, une fois la roche stabilisée. Valery Babanov et Yuri Koshelenko, audacieux, se lancent quelques mois après l’éboulement de 1997 dans la zone critique pour tracer une voie nouvelle éphémère.
Après la seconde vague d’éboulements (2003-2005), Martial Dumas et Jean-Yves Fredriksen ouvrent une nouvelle voie dans cette face vierge, en 2007. En février 2021, quatre grimpeurs du Groupe militaire de haute montagne ouvrent une voie en hivernale, nommée BASE, et partagent cette aventure en temps réel sur YouTube pendant quatre jours.
Les Drus face à l’érosion : Éboulements et transformations d’une icône alpine
Dominant le paysage, la face ouest des Drus se présente comme une imposante paroi pyramidale de plus de mille mètres de hauteur. Cette face est le théâtre d’une érosion intense, provoquant des éboulements massifs récurrents. Neuf d’entre eux ont été recensés entre 1905 et 2011, entraînant la chute de plus de 400 000 m3 de roches. L’érosion, commençant à la base et s’étendant vers le sommet, a probablement débuté à la fin du petit âge glaciaire, au XVIIIe siècle. L’éminent pilier Bonatti, jadis culminant à 500 m, n’est désormais plus qu’un souvenir. L’éboulement majeur de 2005 représente près de trois quarts du volume total écroulé depuis un siècle et demi.
Le premier éboulement de cette période a été provoqué par le tremblement de terre de Chamonix, survenu le 13 août 1905, avec une intensité ressentie de VI sur l’échelle MSK. L’éboulement de 1950, coïncidant avec une période de canicules durant les étés de 1942 et 1943, souligne le rôle possible du changement climatique dans l’ampleur et la fréquence de ces incidents.
Des éboulements significatifs se sont également produits en 1997, 2003, 2005 et 2011, années durant lesquelles le réchauffement climatique a pu jouer un rôle majeur. Ces événements ont profondément modifié la structure de la montagne et effacé de nombreux itinéraires d’escalade historiques. L’éboulement de 2005, le plus considérable de la période étudiée, a été provoqué par un été exceptionnellement chaud, accompagné de pluies abondantes, sur une paroi déjà fragilisée par l’été caniculaire de 2003. Les roches écroulées recouvrent une surface de 90 à 95 000 m2 sur le glacier des Drus, sur une épaisseur de 5 à 10 mètres. Des éboulements d’une moindre ampleur, totalisant 10 000 à 12 000 m3, ont eu lieu les 10 et 11 septembre 2011, ainsi qu’un éboulement de 60 000 m3 le 30 octobre 2011.
La Traversée des Drus : Guide de l’Aventure Alpine Ultime
Approche, du Train du Montenvers au Refuge de la Charpoua
Embarquez à bord du train du Montenvers et poursuivez l’exploration en grimpant la Mer de Glace jusqu’à l’aiguille du Moine, une aventure d’environ une heure et demie. En 2016, un accès rénové a été créé pour le refuge de la Charpoua, perché à 2 841 m d’altitude. Cet itinéraire se connecte au sentier du Balcon de la Mer de Glace, jalonné d’échelles, de mains courantes et marqué par des rectangles jaunes. Cette ascension, débutant à 2 060 m et aboutissant à une jonction avec le sentier à 2 380 m, vous offre une montée de 320 m.
Empruntez ensuite le sentier du Balcon, qui vous mène légèrement en arrière, pour rejoindre le cirque de la Charpoua en une heure et demie. Au total, attendez-vous à une randonnée de 4 à 6 heures depuis la gare du Montenvers. Une véritable immersion au cœur des splendeurs du massif du Mont-Blanc.
La Traversée des Drus – Itinéraire
Cette route d’alpinisme offre une cote de difficulté D, V+/A0, sur un parcours de 900 m, généralement achevé en trois jours. Depuis le refuge, grimpez le rognon de La Charpoua jusqu’à environ 3 000 m d’altitude (25-30 min), puis traversez le glacier en empruntant la route la plus haute pour éviter les crevasses majeures.
À une altitude d’environ 3 050 m, empruntez une longue vire horizontale en bas de la face sud. Suivez-la à gauche jusqu’à deux couloirs. Gravissez les gradins du couloir de gauche qui, sur une distance de 200 m, vous conduisent à l’arête sud-ouest des Flammes de Pierres.
Quelques mètres sous l’arête, un gendarme (3 361 m) est contourné par la droite au niveau d’une brèche carrée et d’une cheminée que vous grimpez en prenant un départ par la gauche.
Continuez en tirant légèrement vers la gauche jusqu’à atteindre une épaule qui marque le véritable début des difficultés (IV+ à V+).
Suivez l’arête qui devient de moins en moins individualisée par des successions de vires, cheminées et fissures, sur la droite au début, puis plutôt versant ouest dans des couloirs-cheminées cachés.
À une cinquantaine de mètres du sommet, suivez une vire sur la droite, remontez à gauche pour contourner l’angle et rejoignez un couloir qui mène au sommet au niveau de la Vierge. Comptez entre 5 et 7 heures depuis le refuge.
Rejoignez la brèche des Drus (3 697 m) en descendant le versant Charpoua, puis grimpez au Grand Dru par une petite et courte fissure (V) qui mène à une vire.
Suivez cette vire à droite sur 10 m, puis, par une écaille, une fissure et une dalle, revenez sur la gauche.
Basculer sur le versant nord par le passage du Z permet de contourner le surplomb par la gauche via un râteau de chèvre.
Au-dessus du couloir nord, remontez une fissure (IV), puis une longue cheminée inconfortable (6a, corde à nœud installée, comptez 1h30 pour cette traversée) et sortez par la gauche. Cette route est une aventure d’alpinisme exigeante et palpitante, offrant une expérience véritablement époustouflante.
La Descente
Depuis le sommet du Grand Dru, entamez une descente d’environ 150 m le long de l’arête est/nord-est, en restant sur le côté Charpoua en direction du col des Drus jusqu’à atteindre le fil de l’arête. Au niveau de l’entrée du couloir nord, cherchez des terrasses auxquelles vous accéderez en désescalade. Vous trouverez le premier rappel près d’un petit gendarme surmonté d’un bloc.
Les rappels suivants s’enchaînent de cette façon :
- Un premier rappel de 45 m vous amène à la première terrasse.
- Ensuite, un rappel de 48 m dans une large cheminée de teinte verdâtre vous mène à un relais sur une terrasse à gauche.
- Un troisième rappel de 35 m le long d’un éperon vous conduit jusqu’à une vire de graviers.
- Enfin, un rappel de 50 m dans un mur lisse et sur des vires vous emmène jusqu’à un petit éperon.
Pour la suite, deux options s’offrent à vous dans le couloir :
- Le côté droit (48 m + 45 m + 47 m + 50 m décalé de 20 m à droite, suivi d’un peu de désescalade).
- Ou le côté gauche (48 m + 48 m sur une dalle + 35 m décalé à gauche de 10 m + 30 m sur un becquet).
Un topo détaillé de cette descente est disponible au refuge pour consultation.
Pour finir, traversez le glacier en passant d’abord par la rive droite puis par la rive gauche jusqu’au rognon. De là, redescendez jusqu’au refuge de la Charpoua. Prévoyez entre 3 à 4 heures depuis le Grand Dru pour cette portion de la descente.