Les origines
Tout débute un soir d’hiver. Inspiré par les alpinistes chevronnés dans les faces nord des Alpes depuis le debut de l’anticyclone, je rêve secrètement d’aller y faire un tour moi aussi. Je téléphone à Thibault Cheval. Lorrys Bougnol et lui sont chauds d’aller se mettre un chantier mixte dans le massif du Mont-Blanc.
Assez vite, le nom de la voie Lesueur est évoqué. Cette voie mixte se passe dans la face nord du Grand Dru, montagne sur laquelle j’ai failli laisser ma peau il y a quelques années.
Les émotions sont mêlées : une excitation palpable à l’idée de me frotter à ce géant de granit, mais aussi la crainte de m’engager dans un projet aussi audacieux, surtout en plein hiver.
Mais je trépigne à l’idée de retourner en montagne « pour moi », à savoir à la recherche de mes propres limites, sans client.
L’interview de M. Lesueur en personne et sa franche bonhommie racontant l’ouverture de la voie en 52 finit de me convaincre : je suis chaud bouillant !!
Arriver à Chamonix
Je débarque dans la Mecque de l’alpinisme lundi soir, la voiture pleine à craquer de matos. On discute autour d’une bière de la voie, des alternatives. Thibault et Lorrys sont formels au vue de leur journée test dans une voie mixte : Lesueur, trop dure. Pendant ce temps, Aurelia se joint à nous pour boire une bière. Nos discussions lui mettent la puce à l’oreille. Après mon plaidoyer endiablé pour « se mettre la mission », la décision est prise. On décide de mettre le cap sur la voie Pierre Allain Leininger tous les 4.
Ce nom résonne dans un coin de ma tête : j’avais grimpé la face sud de la Meije ouverte par ce même alpiniste visionnaire qu’est Pierre Allain, probablement ma plus belle course jusqu’alors. J’avais trouvé cette voie sublime.
Premier jour, nous décollons des Grands Montets à 9h, skis aux pieds pour une approche par le bien-nommé « Couloir des poubelles ». La neige est béton armé, le couloir est inskiable. Nous derapons péniblement les 300m sans arriver à faire le moindre virage.
Au pied de la Face Nord des Drus
Les sacs sont lourds, le dos souffre (déjà ?!).
Nous arrivons au pied de la face nord des Drus, elle est immense. Un enchevêtrement de piliers, dièdres, dalles, fissures granitiques monumentales. 12h30, nous démarrons les longueurs faciles du socle.
Instants magiques lorsque le soleil couchant vient nous immerger de sa lumière rosée.
Nous qui pensions ne pas voir le soleil du séjour, ce dernier nous fait mentir en nous réchauffant délicieusement le dos.
8h plus tard, nous déboulons à toute berzingue au bivouac tant convoité au sommet de la 19ème longueur. Heureux comme des papes d’y être arrivés, nous lançons les hostilités culinaires après un bon terrassement de nos futures couches. Nous fermons les yeux à 23h.
Le froid est implacable, la température descend en dessous des -10°C. Thibault et Lorrys partagent un duvet et 1 matelas pour 2. La morsure du froid et du vent qui se lève me réveille périodiquement, jusqu’à me laisser éveillé pour de bon à 5h30 du matin.
Lisez la suite au prochain épisode : « Voie Pierre Allain Leininger »